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La météorite de Luponnas

Il y a tout juste 260 ans...

dimanche 1er septembre 2013, par Fabrice

Ce début d’année 2013 a été marqué par la retentissante météorite qui a traversé le ciel de Tcheliabinsk en Russie le matin du 15 février 2013.

Cet événement exceptionnel, lorsque il a lieu au-dessus d’une zone habitée, s’est déjà produit très proche de chez nous, et plus particulièrement de chez moi.

En effet le 7 septembre 1753 à 13h00, il y a donc tout juste 260 ans, une météorite s’est écrasée à Luponnas, une commune de Vonnas dans l’Ain.


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Tout comme la météorite Russe, les habitants de l’époque ont entendu des explosions dans le ciel. Le tout fut consigné par l’Astronome de Bourg-en-Bresse Jérôme De Lalande.

Il fût retrouvé 2 pierres :
-  La première à Luponnas, d’où son nom, qui avait une masse de 9kg.
-  La deuxième à Pont-de-Veyle, d’une masse de 5kg.

Soit donc un total de 14kg.

Pour comparaison, actuellement, le plus gros fragment retrouvé de la météorite de Tcheliabinsk ne pèse qu’un peu plus d’1kg. Alors que les scientifiques estime son diamètre entre 17 et 20 mètres et une masse comprise entre 10 000 et 18 000 tonnes. Quelque 1.000 tonnes (soit 10%) de la masse initiale du corps céleste tombé sur Tcheliabinsk ont atteint la Terre, le reste s’étant transformé en poussière, a déclaré Erik Galimov, directeur de l’Institut de géochimie et de chimie analytique.

Comme la météorite russe, la météorite de Luponnas est une Chondrite (qui comporte du métal, principalement du Fer), classifiée H3-5.

Le récit de Jérôme De Lalande fut publié par Stanislas Meunier dans son "Examen minéralogique de deux météorites bourguignonne", dans le "Bulletin de la Société d’histoire naturelle d’Autun" de 1892, volume 5, pages 335 et 336.

Pour la chute de Luponnas, nous avons une publication sommaire de Lalande.
D’après son récit, le 8 septembre 1753, vers une heure après midi, par un temps chaud et serein et sans aucune apparence de nuage, on entendit, dans la Bresse, un grand bruit semblable à celui de deux ou trois coups de canon qui dura fort peu, mais qui fut assez fort pour retentir à dix lieues à la ronde. "Ce fut aux environs de Pont-de-Vesle, quatorze milles à l’occident de Bourg-en-Bresse, que le bruit fut le plus considérable ; on entendit même à Luponnas, village à quatre milles de Pont-de-Vesle, un sifflement semblable à celui d’une fusée, et le même jour, on trouva à Luponnas et à un village près de Pont-de-Vesle, deux masses noirâtres, d‘une figure presque ronde, mais fort inégale, qui étaient tombées dans des terres labourées où elles s’étaient enfoncées par leur propre poids d’un demi-pied en terre ; l’une des deux pesait environ vingt livres ; elles furent cassées et il n’est point de curieux dans le pays qui n’en ait un des fragments.

Quelques fragments sont visibles à Paris (66 grammes) au Muséum national d’Histoire naturelle, et à Vienne (84 grammes) au Naturhistorisches Museum Wien.

Fragment de la météorite de Luponnas
Naturhistorisches Museum Wien

Extrait du catalogue des météorites :

Luponnas, Ain, France.
Fell 1753, Sept. 7, 1 p.m.
Synonyms : Ain ; Liponnas.
Stone. Brecciated intermediate chondrite.

After detonations, two stones Avere found, one of 9 kg. at Luponnas and the other of 5 kg. at Pont-de-Vesle (Jerome la Lande, Ann. Phys. (Gilbert), 1803, vol. 13, p. 343), but very little appears to have been preserved. Described and analvsed by S. Meunier (Bull. Soc. Hist. Nat. Autun, 1892, vol. 5, p. 335).

84 grams in Vienna (Naturhist. Mus.), 66 grams in Paris (Mus. d’Hist.
Nat.).

Specimens : [63923], 6-|- grams ; [33727], 1 gram.

Quelques liens :
http://www.encyclopedia-of-meteorites.com/meteorite.aspx?id=14757

http://www.lpi.usra.edu/meteor/metbull.php?code=14757

http://archive.org/stream/bulletin02daugoog#page/n410/mode/1up

Le récit complet de Jérôme de Lalande :

La version que j’ai recopié de l’OCR :

LETTRE
De JÉROME DE LA LANDE
AU c. DELAMÉTHERIE
SUR LES PIERRES DE FOUDRE

Les deux mémoires que vous avez publiés dans votre journal de brumaire sur les pierres qu’on a cru tombées du ciel, m’ont fait croire qu’on trouveroit quelqu’întérêt à un fait analogue dont je parlai en 1756 dans mes Étrennes historiques à l’usage de Bresse, ouvrage qu’un physicien se procureroit difficilement.

Voici l’article en entier.

Un phénomène remarquable causa en 1753, dans le Bresse, une surprise générale : comme il a donné lieu à un grand nombre de conjectures, de raisonnements et de fables, il sera pas inutile de rapporter ce que des recherches faites sur les lieux et l’examen d’un habile chimiste m’ont fait connoître. Au mois de septembre, environ à une heure après midi, le temps étant fort chaud et fort serein, sans aucune apparence de nuages, on entendit un grand bruit , semblable a celui de deux ou trois coups de canons, qui dura fort peu, mais qui fut assez fort pour retentir à six lieux à la ronde. Ce fut aux environs de Pont-de-Vesle, quatorze milles à l’occident de Bourg-en-Bresse, que le bruit fut le plus considérable ; on entendit même à Laponas, village à quatre milles de Pont-de-Vesle, et à quatorze milles de Bourg, un sifflement semblable à celui d’une fusée ; et, le même jour, on trouva à Laponas, et à un village près de Pont-de-Vesle, deux masses noirâtres d’une figure presque ronde mais fort inégales, qui étaient tombées dans des terres labourées où elles s’étoient enfoncées par leur propre poids d’un demi pied en terre ; l’une des deux pesoit environ vingt livres ; elles furent cassées, et il n’est point de curieux dans le pays qui n’en ait vu des fragments.

Plusieurs personnes m’ayant fait l’honneur de me consulter là-dessus, je jugeai d’abord qu’elles ne pouvaient provenir que d’une éruption souterraine, semblable e celle d’un volcan ; je ne croyais pas qu’elles eussent été frappées du tonnerre, parce qu’il ne paraîssoît pas qu’il eût pu tonner par un temps aussi serein, et sans aucun nuage apparent. Plusieurs personnes crurent que c’était des pyrites, c’est dire, des composés de soufre , d’arsenic et de quelque particules métalliques ; on y voyoit des filets ou aiguilles semblables à celles de l’antimoine ; il étoit difficile de décider de leur nature à le vue simple ; mais voici ce que les fournaux nous ont appris.

Le fondement de ce composé minéral est une espèce de pierre de montagne grise , réfractaire, c’est-à-dire, très-dure l a fusion, et résistant même à le violence du feu ; quelques particules de fer se trouvent répandues en grains, en-filets et en petites masses dans la substance de la pierre, mais sur tout dans ses fentes ; ce fer a cela de commun avec celui de la plupart des mines qu’il a besoin d’être rougi pour devenir parfaitement attirable par l’aimant. Plusieurs minéralogistes ont attribué la cause de ce phénomène à l’arsenic ; mais il est ici en si petite quantité, qu’il n’a-pas été possible de l’y reconnoître.

Il paroît que ces pierres ont souffert un feu très-violent, et qui en a fondu la première surface, ce qui a produit la noirceur extérieure qu’on y remarque, et cela ne seroit point surprenant, le fer ayant la propriété d’accélérer le fusion des terres et des pierres.

Cette noirceur et cette fusion auraient pu être l’effet de la foudre qui y seroit tombée ; mais comme on en a trouvé en deux endroits, et même en trois, suivant le rapport de quelques personnes, et que ces pierres fondues ne se trouvent jamais que dans les volcans, il-ne paroît pas douteux qu’elles n’en soient provenues ; il est vrai qu’on ne connoît dans la Bresse aucun vestige de volcans, et que Laponas est à plus de trois lieues des montagnes du Mâconnois, où il auroit pu s’en former ; mais on sait quelle est la force et la rapidité de ces sortes d’explosions ; d’ailleurs on a vu le tonnerre enlever des pointes de clocher, des girouettes, etc, et les transporter à plusieurs lieues ; ainsi, il importe peu quelle manières ces pierres sont parvenues dans les lieux où on les a trouvées, dès que l’on sait la manière dont elles ont-pu y parvenir ; au reste, ces composés, que l’on peut mettre au rang des mines de fer les plus pauvres, se trouvent probablement dans plusieurs endroits.

On entendit un bruit semblable, le jour de St Pierre en 1750, dans la basse Normandie ; et il tomba à Nicor, proche Coutenance, une masse à peu près de la même nature que celle que je viens de décrire, mais beaucoup plus considérable.

On peut voir à Dijon une des pierre dont viens de parler,
qui pèse onze livres et demie, dans le cabinet d‘histoire naturelle de M. Varenne de Beost, secrétaire en chef des Etats de Bourgogne, et correspondant de l’académie royale des sciences de Paris, qui a réuni avec le plus grand soin tout ce qui a pu se trouver de curieux dans la Bresse, et dans la Bourgogne, surtout dans le règne minéral.

Voilà , mon cher confrère, ce que je disois en 1753 du phénomène qui nous occupe ; j’étoîs jeune alors, et cependant je n’ai changé d’avis depuis cinquante ans. Je ne puis admettre ni concrétions formées par le tonnerre, ni esquilles détachées d’une planète, ni ces petites planètes tournant autour de la terre, sans qu’on les voie, tombant du ciel par quelque rencontre singulière ; j’aime mieux dire : je n’en sais rien.




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